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Prologue
L’homme s’élança à travers le long couloir sombre qui n’était éclairé que par quelques vieilles lampes à huile. Ce couloir, qui semblait s’étendre à l’infini, et qui menait à une infinie de pièces, dont la plupart, inoccupées, restaient vide, il le connaissait par cœur.
Le couloir se transforma en trois embouchures, toutes se ressemblant. Heureusement, pour lui, l’homme connaissait parfaitement tous les recoins qui composait ce lieu, même s’il ne l’avait intégré que récemment ; il parvint donc à trouver à s’orienter très facilement.
Tout était silencieux autour de lui. Seul le bruit de ses pas, ainsi que des gouttes d’eau qui tombait du plafond et qui ruisselait sur les murs, résonnaient sur le sol de pierres grises, ce qui ne faisait qu’intensifier le stress de cet homme.
Dans ses mains, il tenait toute une liasse de documents importants, presque plus que sa propre vie ne l’était. Mais, pour lui ils ne représentaient pas grand-chose à part une mission confiée par son maître.
Et voilà le topo : son maître, pour qui il éprouvait beaucoup de respect mais aussi un peu de rancune, lui avait demandé d’aller cherché ses documents. Pour son maître, ces papiers pourrait représenter plusieurs chose : de la honte, de la joie, son passé et même son avenir. Voilà pourquoi il fallait qu’il les lui apporte de toute urgence, tout ce qu’il allait se passer dans les mois et les années à venir dépendrait de ces tests.
Il accéléra encore l’allure, allant maintenant au même rythme que les battements fous de son cœur. Il fallait qu’il rejoigne son maître le plus vite possible pour lui remettre les documents qu’il convoitait tellement.
Le serviteur ne savait pas quel résultat, bon ou mauvais, son maître trouverait inscrit dessus et avait donc un peu peur de la réaction de celui-ci, si jamais ces fameux résultats s’avéraient être catastrophiques … Et si cela serait le cas, qui sait ce qui pourrait lui arriver ? Violent et instable comme il est, son maître serait capable du pire … Oh, oui, du pire …
L’homme avait l’impression de courir un marathon et avait la gorge sèche. J’espère que les résultats seront bon car sinon qui sait ce qui pourrait bien m’arriver … pria-t-il en silence. Il s’imagina la scène dans sa tête et cela le fit frissonner d’effroi. Il ne voulait pas penser à ce qui pourrait se passer dans quelques minutes.
Une autre embouchure se présenta devant lui. Sans vraiment y penser, il laissa ses jambes le porter vers le bon tunnel.
J’y suis presque … Plus que quelques mètres et je donnerai les documents à mon maître, songea-t-il, ensuite … Ensuite, nous verrons bien ce qui adviendra …
Soudain, la lumière du couloir s’intensifia : il était arrivé devant les appartements de son maître.
Il s’arrêta alors pour reprendre sa respiration, qui était saccadée. Il ferma les yeux un moment pour se calmer. Après tout, il ne savait ce qui aller se passer lorsqu’il pénétrerait dans la pièce.
Allez ! S’encouragea-t-il mentalement, j’ai déjà eu pire à affronter … Je ne vais pas me décourager maintenant … En plus, Maître te fait confiance, alors je ne dois pas le décevoir ! Et puis, il doit sûrement être dans le même état de stress que toi …
Cette dernière idée le fit sourire. Alors, prenant son courage à deux mains, il annonça sa présence et entra dans la pièce.
La lumière, plus éclatante que dans le couloir, le fit cligner des yeux. Apportée par encore des vielles lampes à huile et par la lune et les étoiles qui étaient déjà hautes dans le ciel et qui filtrait par la vielle fenêtre aux striures noires.
La pièce où il venait de pénétrer, était sobrement décorée : fauteuils moelleux rouges, moquette bleue nuit et mur d’un violet clair mais très profond. L’ambiance dans cette pièce était froide mais le serviteur aimait beaucoup.
Son maître se tenait devant la fenêtre et semblait tendu. Pas un faux pli ne venait marquer son bel habit : une longue cape noire qui lui couvrait les épaules et lui tombait jusqu’au niveau des genoux, une belle chemise blanche à jabots aux manches mi-longues, une veste en cuir noir avec, pour emblème, une broche en forme de dragon rouge qui tenait entre ses pattes une pierre noire ébène qui conférait le pouvoir à celui à qui elle appartenait, et enfin pantalon et bottes noirs en cuir moulant.
Il s’avança encore, pouvant maintenant voir une partie du fin visage de l’autre homme.
C’est sûr que son maître avait de l’allure, son serviteur n’en avait jamais douté, mais, avec la lumière si pâle mais en même temps si pure et laiteuse de la lune, son maître possédait une beauté surnaturelle.
Le serviteur déglutis doucement. Il se sentait un peu mal à l’aise en présence de son mentor. Sa beauté légendaire lui avait attiré le respect de tous mais aussi la crainte. Oui car, même en étant beau à couper le souffle, son caractère ne correspondait pas du tout. Froid, glacial, hautain, sûr de lui, combattif, aimant donner des ordres, n’admettant pas ses erreurs, calculateur, sans vraiment de compassion et qui aiment faire souffrir les autres, voilà qui le caractérisait. Mais bizarrement, il n’était pas du tout comme ça avec son serviteur.
Heureusement pour lui, dès qu’il était arrivé dans la demeure et que des rumeurs du comportement du seigneur des lieux, il avait pris peur mais, suite à accident qui le forçait à rester là, ne s’était pas dégonflé et, comme tout les nouveaux arrivants, était allé se présenter à lui.
Là, dans la grande salle principale, dites la salle du Cœur, toute de noire peinte et décorée, éclairée d’une faible et pâle lumière qui ressemblait à celle de la lune, son maître l’y attendait, confortablement installé sur son fauteuil de fourrure noire et rouge, couronnée d’un dragon en pierre et en rubis rouge qui semblait gardait la pièce.
Il avait été impressionné et s’était senti tout petit dans cette pièce à l’ambiance lourde. Néanmoins, il s’était avancé et s’était agenouillé, la tête baissée, en signe de respect envers lui. Soudain, l’autre avait sorti son épée de son fourreau. Ensuite, tout s’était passé très vite : il l’avait coupé juste derrière l’épaule en une fine blessure, d’où un filet de sang a jaillit, mais, contrairement à une plaie normale, s’était refermée aussitôt. Et, ce faisant, la coupure s’était transformée en un tatouage noir et rouge en forme de dragon, à l’air hostile, et tenant entre ses pattes une sphère rouge.
Le serviteur avait eût peur mais ne s’était pas démonté pour autant. Le maître, qui l’avait invité à se relevait, l’avait longuement contemplé, comme l’aurait fait une mère sur son petit, et avait déclaré d’une voix glacial :
― Cliff, à partir de maintenant, tu deviendras la personne la plus importante de mes services, celle qui, comme moi, pourra se faire respecter d’un simple regard, celle qui pourra se faire obéir immédiatement, la seule qui pourra se sentir totalement en sécurité ici. Et cette personne, c’est mon bras droit, mon serviteur, en quelque sorte. Tout cela est possible grâce à cette marque, que tu as hérité de la nature de ta magie. Et, en toute franchise, heureusement pour toi, car sinon, tu serais … mort.
Mort ? Ce mot l’avait frappé. Alors, quelques jours après l’apparition de sa marque, et après de nombreuses recherches, il avait effectivement trouvé que, seules sa lignée et une autre famille, mais qui était elle maudite par ça, possédait une sorte et une qualité de sang très spécial et que grâce à cette sorte sang, il pouvait et devait se lier avec un maître de « type démoniaque » sinon leur vie serait en danger.
Voilà comment il était devenu le serviteur dévoué à son maître qu’il était aujourd’hui.
L’un comme l’autre se faisait désormais confiance et c’est donc pour ça, qu’il avait demandé à Cliff de lui ramener les résultats du test.
Il les lui tendit en ne s’approchant pas. La tension se lisait sur son visage de son maître lorsqu’il commença à ouvrir l’enveloppe et lorsqu’il en sortit les documents tant redoutés.
Il les lut attentivement et sa mine hautaine devient soudainement grave. Ses yeux s’arrondirent de peur. Il sentit même qu’il se crispa et qu’il devint nerveux.
Le serviteur entendit les battements du cœur de son supérieur s’accélérer. Alors, il lui demanda doucement :
― Alors, Délcorion ? Que révèlent les tests ? Sont-ils négatifs ou … positifs ?
L’autre tourna légèrement la tête vers lui et le reflet de la lune se refléta dans ses yeux et sa douce lumière éclaira la moitié de ses traits, maintenant tendus. Il lui répondit d’une voix où teintait l’inquiétude :
― Ils sont positifs. Elle est bien ma fille.
Chapitre 1 : L’enlèvement
Je regardais par la fenêtre de ma chambre, émerveillée. Un magnifique paysage s’offrait à moi : une forêt, verdoyante et dense, composaient de toutes sortes d’arbres s’étendait au loin et ce, jusqu'à l’horizon. Une brise douce secouait les branches des arbres et leurs feuilles se balançaient tranquillement et les fleurs de couleurs, de formes, de senteurs différentes ondulaient doucement sous le vent.
Une ville, composée de dizaines de petites maisons en briques et en pierres de toutes les couleurs possibles, s’amassait autour d’un palais. Mon palais ou plutôt celui de ma famille qui se transmettait de générations en générations.
Le palais, situé en hauteur sur une colline, surplombait la ville. De ce fait, la famille royale était protégée, puisqu’on avait une vue parfaite sur toute la ville, et pénétrait dans le château sans autorisation était presque impossible.
Cette ville, …, est très animée la journée. Entre les marchés ambulants où les vendeurs à la sauvette vantant leurs produits, les enfants qui jouent, les couples qui se baladent dans la rue et ceux qui promènent leurs enfants ou leur chien, les rues n’étaient pas très calmes, ça on pouvait le dire. Mais moi, j’aimais cette ambiance animée et tellement joyeuse qui me faisait tant penser à celle médiéval du Moyen-âge au temps des chevaliers et des seigneurs. De plus, les vielles pierres qui pavaient le sol, l’allure des maisons ainsi que des rues et aussi l’agencement de … en elle-même rappelait davantage cette ambiance.
Mais toute cette animation ne flottait pas dans le château. En fait, à l’intérieur, il n’y avait pas grand monde : quelques servantes, mon père et ses conseillers, ma mère et moi.
Mon père et ma mère, les actuels successeurs, régnaient sur Dorémi, un assez continent calme. Je dis assez car en fait, il … s’agrandit. Oui, oui, je ne plaisante pas. Il s’agrandit vraiment de jour en jour. Lorsque j’avais demandé à mon père comment ce continent était capable de faire cela, il avait répondu :
― Dorémi a été pendant longtemps caché par des brumes très épaisses qui ne se dissipent presque jamais. Pour tout te dire, cela arrive tous les cinq à dix ans et durant un an. Ça t’étonne peut être, mais, lorsque tu auras l’âge de régner et que moi et ta mère seront morts, tu hériteras d’un plus vaste continent que maintenant.
Et voilà l’histoire. Moi, je trouvais quand même bizarre qu’il puisse exister un brouillard qui ne se dissipe que pendant une seule année et ça que tous les cinq à dix ans. Mais bon, puisque je n’avais pas encore l’âge et l’expérience pour pouvoir régner, je ne m’y intéressais pas. En plus, ce continent était très très calme. Tellement calme, qu’une ou deux conférences avec eux et autant de banquets par jour suffisaient amplement à me former à la vie de princesse. La vie que je menais, ça on pouvait le dire, était tranquille. Je soupirais d’aise et de bonheur. Cette vie me plaisait énormément. Mais il y avait une chose qui me chagrinait : ne pas avoir de frère &ou de sœur. C’est bien d’être fille unique. Sauf pour une chose : être la seule descendante de la famille. De ce fait, le descendant en question est surprotégé. Mes parents étaient justement comme ça avec moi. Ils me surprotégeaient. Et je n’aimais pas ça du tout. Mais j’étais obligée de faire avec. Malheureusement.
Soudain des cris de panique s’élevèrent et me parvinrent, me sortant ainsi de mes pensées. Ma porte s’ouvrit à la volée et une servante apparut, complètement affolée :
― Votre Altesse, suivez-moi tout de suite, quelque chose de très grave s’est passé. Votre père nous attend dans la salle du trône.
J’avais horreur qu’on m’appelle « Votre Altesse », « Votre Majesté », tous ces titres de noblesse qu’on vous sortait à toutes les sauces lorsqu’on était la descendante de la famille royale.
― Qu’est-ce encore ? Quel est ce fameux problème ? Soupirais-je, agacée. Et pourquoi est-ce vous qui venez me chercher et pas mon père ou ma mère ?
La femme sembla décontenancée. Elle chercha ses mots, embrouillée.
― Je ne sais pas. Votre père ne m’a rien précisé. Il m’a juste demandé de vous conduire à la salle du trône … répondit la servante, hésitante.
― Vous n’avez pas …
Me rendant soudain compte que la servante avait disparue, j’interrompis ma phrase
Mais la femme avait déjà disparu dans le couloir, ne s’apercevant pas que je l’avais pas suivi, apparemment très pressé d’aller voir mon père. Que se passe-t-il donc ? Mon père avait-il un problème ? Pensais-je, soudain inquiète.
Je la rattrapai, presque au pas de course. Pourquoi mon père voulait-il me voir et surtout, pourquoi utilisait-il une servante pour venir me chercher ? Il suffisait qu’il m’appelle sur le téléphone de ma chambre. Ce qui voulait donc dire que le « quelque chose » en question devait être, soit très urgent, soit très grave. Et pourquoi donc des gens avaient-ils criés ? Dorémi n’était pas spécialement un royaume où les gens ont de gros problèmes au point d’en crier.
Nos pas résonnaient sur le carrelage en marbre. Ce bruit, si inhabituel, me fit froid dans le dos, accentuant encore ma peur. La femme courait tellement vite que je ne vis pas défilé les dizaines de portes qui nous séparait de la salle du trône.
Puis, toute essoufflée, j’arrivai enfin devant cette fameuse salle. La servante m’avait conduite devant la salle du trône et s’inclina devant moi.
― Votre Altesse, j’ai ordre de vous laissez toute seule ici. Votre Père m’a très bien fait comprendre que je devais vous laisser ici et m’en aller aussi sec.
― Ah, hum … d’accord. Je vous en prie, vous pouvez partir, la congédiais-je.
Pourquoi mon père avait envoyé une servante venir me chercher, puis qu’elle me laisse seule devant la salle du trône ? Cette pièce n’était pas interdite aux domestiques. J’eus soudain un mauvais pressentiment. J’hésitai à entrer dans la salle. Et si c’était un piège ? Et si mon père était en danger ? Tu racontes n’importe quoi ma vielle … me recadrais-je mentalement. Il suffit qu’il ait UN seul problème de temps en temps pour que je perde mes moyens …
Une pensée me traversa alors l’esprit : est si je n’étais pas faite pour être princesse ? Non, après tout, j’ai eu une très grande lignée derrière moi et ils ont tous réussi à être rois, reines, princes et princesses. Alors, si eux avait réussi pourquoi pas moi ?
Je soufflai en secouant la tête. Et voilà que mes pensées s’embrouillaient totalement !
Après m’être détendue et apaisé mes pensées, je me décidai à entrer dans la pièce. Après tout, qui ne risque rien à rien.
La salle du trône, comme à chaque fois que j’y entrais, m’éblouissais. Elle était très longue et un grand tapis rouge vif bordé d’or traversait la salle. À son bout, quatre marches formait une plateforme ou était disposés trois trônes. Le plus petit pour moi, le moyen pour ma mère et bien sûr le plus grand et le plus imposant pour mon père. Tous trois étaient bien évidemment en or pur et en velours rouge. De temps à autre, des statues, toujours en or et en argent, décoraient les murs. Le sol et les murs, imposants, étaient de marbre blanc-rosé.
Mon père, Richard Cygne d’Or, m’attendait, assis sur son trône. Mais il n’était pas seul, à côté de lui se tenait la servante personnelle de ma mère. Normalement, à cette heure-ci elle aurait du être avec ma mère, Helena. Cela m’intrigua fortement.
― Approche, Estelle, m’autorisa Richard, le visage grave.
J’avançais, obéissante et respectueuse. Lorsque je fus devant lui, je remarquai qu’il était mal à l’aise à la façon dont il se tortillait sur sa chaise. Je voulus m’incliner devant lui, car tel est la coutume, mais il m’en empêcha en me déclarant, du tact au tact :
― Estelle, ta mère a disparue.
Je sursautai. Ma mère avait disparue ? Ouh là, ce n’était pas, mais alors pas du tout, à ce je m’attendais.
Ma mère, contrairement reines « normales », qui n’éduquaient pas leurs enfants mais les confier plutôt à une ou plusieurs domestiques qui s’en occupaient elles-mêmes. Mais ma mère, elle, avait toujours refusé ce mode d’éducation. Alors, elle m’avait choyé et éduqué avec l’aide de mon père. Du coup, sa disparition me faisait vraiment un coup au cœur.
Dans un moment de désespoir total, je regardai mon père, cherchant ainsi un peu de réconfort. Ses yeux exprimaient de la tristesse mais j’eus l’impression de voir se dessiner un mince sourire sur ses lèvres. Je secouai la tête, croyant avoir mal vue.
― Josine, pouvez-vous nous raconté ce qui s’est passé, s’il vous plaît ? reprit Richard, d’un ton trop assuré par rapport à la mauvaise nouvelle.
La servante se tordait les mains, l’air complètement chamboulée et bouleversée. Elle hocha tout de même la tête.
― Dame Helena et moi nous promenions dans le parc, autour du château, comme chaque matin, nous discutions et c’est alors une lumière m’a aveuglée. L’instant d’après, lorsqu’elle s’est totalement dissipé, ma maîtresse avait … disparue. Plusieurs autres personnes ont vu cet éclair et ont paniqués, mais n’ont pas vu le coupable et d’où provenait cette étrange lumière.
Richard, soudain très sérieux, hochai la tête de haut en bas machinalement, comme s’il avait déjà entendu l’histoire. Devant sa réaction, la mince et jeune servante paniqua encore plus :
― Je … je suis désolée. Tout est de ma faute. Je n’ai pas été assez vigilante. Excusez-moi, mon Roi. Vous pouvez faire de moi tout ce que vous voulez pour réparer mon affreuse bêtise.
Ah, d’accord je comprenais mieux le motif des cris. Mais je ne comprenais pas une chose : comment une servante avait pu venir me chercher alors que les cris venaient à peine de cesser ? Avait-elle été prévenue ? Ou alors, la disparition de ma mère était préméditée, et que tout le monde jouaient alors un rôle : celui de complice de cette disparition.
Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête.
Mon père soupira puis secoua la tête, me sortant de mes pensées.
― Nous verrons ça plus tard.
Puis il se tourna vers moi et déclara :
― Estelle, tu n’es plus en sécurité ici. Je pense qu’il vaudrait bien que tu partes du château. Pas définitivement, bien sûr, juste le temps que nous retrouvions ta mère et emprisonnions le coupable.
Encore une fois, mon statue d’héritière royale remontait à la surface. Je ne comprenais pas mon père. Pourquoi voulait-il m’envoyer chez quelqu’un de notre famille et ainsi m’exposer encore plus au danger ? Si je restais ici, deux gardes, au moins, me protègeraient vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jour sur sept. Alors que si je partais, personne ne m’accompagnerait, ça j’en étais sûr. Sur ce coup-ci, je ne comprenais pas du tout mon père. Mais je devais lui obéir, même si j’étais sa propre fille, et respecter ses ordres, apparemment avisé, car c’était la plus haute puissance de Dorémi. Je soupirais, exaspérée.
― D’accord, chez qui vais-je aller, si je ne reste pas ici ? demandais-je à mon père à contrecœur.
― Chez notre oncle Rachid.
Ouh là. Petite présentation : Oncle Rachid, l’homme le plus sévère de la famille. Quand il donnait un ordre, comme mon père, nous devions lui obéir à l’instant. Je me souvenais que, lorsque j’étais petite, mon père, ma mère et moi allions passer quelques jours chez lui
(Affaires de famille), nous avions toujours une chambre d’amis toute petite, des assiettes à moitié remplies, tout toujours plus petit que lui. Cet homme était assez imbu de lui même, de sa personne et surtout de ses biens. Alors passer des vacances chez lui ne m’enchantais guère.
― Et pourquoi chez lui ? interrogeais-je.
― Ton oncle est fort et il saura très bien te protégeait.
Je ris mentalement. Rachid ? Lui ? Fort ? Certes, il pratiquait la chasse mais n’arrivait même pas à porter un petit marcassin. Alors me protéger, moi, des ennemis qui risquaient de m’attaquer ? Je m’imaginai la scène et secoua la tête.
Pour ce genre de décision mon père n’était pas très agile. En plus, je n’avais, mais alors pas du tout, envie d’aller vivre chez ce vieux fou avare et sévère ! J’essayai alors de faire changer d’avis mon père, même s’il fallait mentir un peu au passage :
― Bien sûr qu’il est fort, mais ici, il y a des gardes du corps qui me connaissent bien mieux que lui ! Et, puis, je pense aussi que, si par malheur, des ennemis pénétraient dans l’enceinte du château, les gardes arriveraient sans problème à me trouver une cachette secrète qu’eux seuls connaîtrait ! Alors que, chez mon oncle, je ne suis pas sûre que cela se passerai comme ça … objectais-je.
Il souffla, visiblement agacé. Il n’aimait pas que l’on discute ses ordres comme ça. Il posa ses yeux sur moi et j’y lus de la colère. Je m’attendais à ce qu’il hausse la voix mais il n’en fit rien. Il parla même d’une voix calme et assuré.
― Estelle, j’ai déjà réfléchis à toutes les options possibles et celle que je t’ai proposée me paraît toujours la meilleure malgré tes arguments qui sont très justes. Mais ma décision est prise : demain, à l’aube, tu partiras chez ton oncle.
Je voulus avancer d’autres arguments mais il m’arrêta d’un geste
― Que tu le veuille ou non. C’est clair ?
Je le regardai bouche bée. Mais mon père commençait à s’impatienter et donc à taper du pied
― Alors ? demanda-t-il d’une voix dure.
― Clair et limpide comme de l’eau de roche. Lui répondis-je en baissant la tête.
À quoi bon continuer de discuter ? Mon père venait de contre-attaquer mes arguments et avait gagné. Alors à quoi bon continuer à parlementer avec lui puisque que c’était perdu d’avance pour moi ? De nouveau, mon manque d’expérience en matière de diplomatie se rappela.
― Bien, je vois que tu as compris. Maintenant, va vite préparer ta valise.
Je m’inclinai respectueuse et sortit.
Je ne respectais pas la décision de mon père. Mais je devais m’y conformer. Malheureusement. Ses réactions m’avaient surprise. D’abord, le mince sourire que j’avais vu se dessiner sur ses lèvres, puis son accès de colère. Mon père était une personne très calme qui ne s’énerve que rarement et jamais contre moi. Et ce petit sourire sarcastique ? Tout cela me paraissait très bizarre. Alors que signifiait son comportement ? Je ne savais pas et ne le comprenais pas.
Après avoir traversé un long couloir, j’arrivai dans ma chambre. Spacieuse et décorée avec goût, elle était de teinte rose et beige pastel. Un lit à baldaquin rose et blanc et une table de chevet en bois massif reposant sur une grande plateforme par laquelle on accédait grâce à deux petites marches, deux grandes armoires en marbre blanc-rosé, voilà les meubles qui la composaient. Pour finir, une grande paire de rideaux en tissu, lourd en hiver et léger en été, couvrait la haute et unique fenêtre de ma chambre.
Une porte, dérobée sur le côté, menait à mon immense dressing tout en longueur où s’alignait sur les deux murs robes en tout genre, T-shirts, pantalons de toute catégorie, chaussures, bottes à talons, escarpins, sandalettes … Bref tout ce que peut posséder comme habits une princesse digne de ce nom.
Je m’y dirigeai donc, ayant pour but de choisir les vêtements que j’emporterais chez mon oncle. Seulement voilà, je ne savais quelle quantité emporter et même quelle style prendre. Je décidai de prendre un peu de tout.
― Hum, hum. Tu n’accueilles plus tes amies maintenant ? tonna une voix dans mon dos.
Je sursautai et me retournai vivement. Toute à mes bagages et perdue dans mes pensées, je n’avais entendu Eline s’approcher dans mon dos et toquer à ma porte.
― Ouf, ce n’est que toi …
― Je t’ai fait peur ? lança Eline,
― Hum, oui un peu, avouai-je, un peu penaud.
― Tu fais tes valises ? Tu pars en voyage ? m’interrogea-t-elle, curieuse, en désignant ma valise.
― Non, enfin oui. Ma mère a disparue mystérieusement ce matin. La seule preuve dont nous disposions est un flash de lumière. Mon père m’oblige donc à allait vivre chez mon oncle Rachid quelques temps. lui répondis-je en soupirant et en ayant un pincement au cœur.
― Non ! Ce n’est pas vrai ! Ta mère à réellement disparue ? Et personne, n’est partie la chercher ? s’écria-t-elle, choquée.
― Non, j’ai bien peur que personne n’est allé la cherché …
― Mais c’est horrible !
Je pris soudain conscience de ce que j’avais dit. Personne n’est allé la cherché … Comment savais-je ce détail ? Mon père n’avait pas évoqué que quelqu’un était partie à sa recherche … Et si mon père ne voulait-il pas la retrouver ?
― Hé ho ! Estelle, tu es avec moi ?
Je me rendis compte que je n’avais pas écouté mon amie parler, trop absorbé par mes pensées.
― Je suis désolée, Eline. J’étais dans mes pensées … Que disais-tu ?
― Rien de bien important, répliqua-t-elle. Tu m’as bien dit que personne n’est partie à la recherche de ta mère ? Mais c’est impossible ! Elle est la Reine de Dorémi !
― Je sais bien ! m’écriais-je, c’est ma mère ! Mais, je t’ai dit que j’avais bien peur que personne n’est allé la chercher, donc, j’ai émis une hypothèse ; en fait, je ne sais rien de ce qui se passe en ce moment-même à l’intérieur du palais !
Eline hocha gravement la tête, une moue sur le visage.
― En tout cas, c’est vraiment bizarre toute cette histoire …
Je ne sus que répondre, et je me tus alors. Un moment de silence passa, gênant et rempli de tension et de tristesse.
Pour détendre l’atmosphère, Eline demanda d’un ton nonchalant :
― Au fait, puisque tu pars chez ton oncle, personne ne pourra t’accompagner ?
― Je ne crois pas, non. Mais je peux toujours demander à mon père au diner.
Soudain un « bip » sonore se fit entendre. Elle regarda alors sa montre, d’où provenait sûrement le bruit.
― Ok. Oh, mince j’avais complètement oubliée que je devais aller aider ma mère. lança-elle, en regardant sa montre. Je vais y aller, si cela ne te dérange pas… Tu m’appelles sur le cyber-téléphone dès que tu as des nouvelles, ok ?
― D’acc…
Les parents d’Eline travaillaient pour le service royal d’infiltration. De ce fait, vu qu’ils étaient souvent en mission loin de Dorémi, nous pouvions nous voir très souvent car ses parents la laisser au château, où Alison et Pierre Salie étaient sûrs que leur fille serait en sécurité.
Nous étions donc aussi équipés de matériel très high-tech puisque son père s’occupait de l’armement. Comme, par exemple, le cyber-téléphone.
C’est un appareil de communication moderne où au lieu de simplement entendre son interlocuteur, nous pouvions voir son hologramme très réaliste. Mais pour la discrétion, il ressemblait plus à un très vieux téléphone en métal rouillé qu’à un téléphone moderne. Je trouvais vraiment dommage l’apparence de ce téléphone mais il était très utile. Par contre, je me posai toujours une question en l’utilisant : où l’équipe de recherche avait trouvé la technologie nécessaire pour inventer ce téléphone ultra développé ? Je n’avais aucune réponse à cette question, et cela m’intriguait encore plus. Qui plus est, je ne pouvais même pas aller inspecter le laboratoire pour éluder cette question.
Bref, revenons donc à leurs emplois. Sa mère tenait un haut poste dans la ville au service de la science des armes et de l’infiltration. Quand à son père, il était le commandement de notre armée royale. Ils étaient donc au service de mes parents. C’était comme ça que nous nous étions rencontrées quelques années plus tôt. Maintenant, Elie et moi étions inséparables. Tellement, qu’elle passait presque tous ses moments libres au palais.
Mon amie s’excusa encore une dernière fois et fila.
Une fois qu’elle fut partie, je me remis à ma valise mais je n’arrivais pas à me concentrer totalement dessus. Quelque chose m’intriguait dans toute cette histoire.
La disparition de ma mère n’était pas logique, pas possible. Surtout dans le château qui est mieux garder qu’un coffre-fort.
Je ne comprenais pas mais ce qui me faisait encore plus rager, c’était que je ne pourrais pas élucider tout ça. Et lorsque que l’on réfléchissait bien, c’était à cause de mon père et de sa décision de m’envoyer chez mon oncle !
Ma valise faîtes, le dîner sonna. Je rejoignis mon père dans la salle de dîner. Cette salle n’était pas très grande. Elle servait juste pour nous trois. Jamais nous n’invitions du monde dans cette salle car elle n’était pas très décorée. Les murs jaunes-dorés et le sol en moquettes rouge et or. Une petite cheminée crépitait dans un coin. Une table en chêne massif était dressée au milieu de la pièce. Mon père m’attendait déjà assis à la table. Mon père était… comment dire … un peu enrobé. Il faut aussi dire qu’il était assez âgé. Beaucoup plus que ma mère. Des fois, on me disait que mon père était mon grand-père. Pour témoignait de son âge, sa moustache s’était teinté de gris ainsi que ses cheveux.
Lorsque je fus installé et que les plats commençaient à défiler devant nous, je lui demandai, du tact au tact :
― Père, j’aimerais qu’Eline m’accompagne chez mon oncle, demain.
Il plongea son regard dans son assiette, sceptique, et réfléchit longuement, tellement, que je crus qu’il n’allait jamais me répondre.
― Estelle, je sais que ton amitié avec Eline est très forte, je n’en doute pas, mais je ne peux pas la laisser partir avec toi. Qui sait ce qui pourrait vous arriver ? m’annonça-t-il en relevant les yeux de son assiette. Non, je ne préfère pas qu’elle parte avec toi. Désolé, chérie.
― D’accord, je comprends. Tu ne veux pas prendre de risques. Je respecte ta décision.
Et voilà … Je m’en doutais, mais le savoir, me rendais triste. Passer un temps indéterminé chez mon oncle ne me réjouissait pas du tout. Mais toute seule, j’allais vraiment mourir d’ennui … Mais bon, c’est comme ça et j’allais devoir faire avec.
Le dîner terminé, je retournai dans ma chambre et appelai Elie. Elle me répondit presque immédiatement et son image apparut.
― Oh, Elie, je suis désolé mais tu ne peux pas venir avec moi …
― Ne t’inquiète pas. Je m’en doutais. Estelle, mon père à découvert des détails, plutôt … bizarre sur ta famille et surtout sur toi me répondit-elle, froide et sans aucune expression sur le visage.
― Quels genres de détails ?
― Des détails compromettants. Estelle tu es une …
Des cris résonneraient derrière elle et une drôle d’impression m’envahit.
― Estelle, s’il te plaît, viens le plus rapide possible chez moi. Je t’expliquerai tout là-bas.
― Ah euh … d’accord !
La communication coupa nette et l’écran devient noir. Elie avait des problèmes. Je mis une veste et sortit du château le plus vite possible. Nos deux maisons n’étaient pas très éloignées l’une de l’autre. En quelques minutes j’y serai.
Soudain, quelque chose me fit tiquer et je m’arrêtasse net de courir. Lors de notre discussion, Eline m’avait parue … changée. Habituellement, elle était toujours de bonne humeur et donnait de la joie de vivre autour d’elle. Alors que toute à l’heure, elle était devenue glaciale et sans aucune expression. Que se passait-il ? Et si Eline n’était plus elle-même ?
Puis, les cris que j’avais entendus au cyber-téléphone résonnèrent dans ma tête. Tant pis si ma meilleure amie avait changé. Je sentais qu’il se tramait quelque chose de louche chez elle en ce moment même. Je me remis donc en route, laissant mes doutes de côté le temps d’arrivé à destination.
Totalement essoufflée, j’arrivai devant chez Eline. Sa porte était entrouverte. Je m’approchai et entra. La maison était plongée dans le noir. Je décidai de ne pas allumer la lumière mais sortit plutôt ma lampe de poche que je gardais toujours sur moi. J’arrivai dans le salon et ce que j’y vis m’horrifia au plus au point.
Les deux corps des parents d’Elie.
Un poignard planté dans leur cœur. Et, vu l’état de leur corps respectif, ils avaient été torturés avant d’être tués.
Je frissonnai de dégoût et de peur. Beurk ! Je comprenais maintenant pourquoi Elie avait paniquée tout à l’heure.
En parlant d’Eline, où était-elle ? Des cris résonnèrent dans la maison, reflétant de la peur. Je compris tout de suite que ma meilleure amie était en danger.
Instinctivement, je me précipitai à l’étage. Le long couloir qui mène aux différentes pièces de l’étage était sombre et je ne voyais pas à deux pas de moi. Néanmoins, j’avançais à tâtons, décidée à trouver mon amie. Enfin, après quelques mètres, j’aperçus de la lumière.
Elle provenait de la chambre d’Eline. Mon amie devait donc être là.
Je ne savais pas qui j’allais trouver en sa compagnie. Mon cœur battait la chamade de peur. Je me forçai à me calmer en inspirant un grand coup.
D’accord, pensai-je, je ne sais pas avec qui est Eline, mais je ne sais pas non plus dans quel état elle est. Il faut donc que j’entre dans sa chambre et que j’aille la sauver du danger.
Prenant mon courage à deux mains, j’entrai dans la pièce.
La chambre était toute retournée : ses jolies meubles en bois clair, qui avaient coûtés si cher à ses parents, avaient volés en morceaux qui étaient maintenant éparpillés dans tout la pièce, son si beau lit à baldaquin, un comme on en rêvait étant petite, avec ses rideaux en lin blanc pur étaient déchirés et brûlés à plusieurs endroits, le lit et son matelas étaient dans un coin, tout cabossé. Le sol en plancher était couvert de plusieurs taches noires.
― Que me voulez-vous, à la fin ? demanda-t-elle, exaspérée.
Elle parlait d’une voix calme, mais empreinte de détermination et de fureur. Elle affichait une mine sereine, n’exprimant aucune peur. Ses sourcils froncés ainsi que la lueur de fureur dans ses yeux, montraient à quel point elle était en furie.
Je remarquai aussi qu’elle était enchaînée, mais ne semblait pas plus apeurée que ça. Pour moi, j’avais même l’impression qu’elle était prête à en découdre, même si, au passage, elle devait en laisser la vie, et se faire ainsi tuer de la main de celui qui avait déjà assassiné si sauvagement ses parents.
Soudain, elle jeta un regard derrière l’épaule de l’homme et m’aperçue. Elle me fixa longuement et d’un mouvement de tête presque imperceptible, m’autorisa à intervenir. J’hochai à mon tour la tête, inspirant un grand coup et me préparai à m’interposer entre mon amie et l’individu. Alors que je m’apprêtais à m’avancer, il m’arrêta en susurrant, d’une voix mielleuse et douce comme de la soie :
― Approche, Estelle, maintenant que tu es là. Nous, enfin plutôt je, t’attendais.
Je sursautai. Comment cet homme m’avait-il entendu arriver ? Je n’avais pourtant pas fait de bruit, enfin je crois … Et comment connaissait-il mon prénom ?
Malgré la peur qui me nouait le ventre, je m’avançai doucement et me plaça de dos à Eline. Lorsque je relevai la tête pour observer l’homme qui se trouvait en face de moi, la lumière de la chambre m’aveugla et de ce fait, je ne distinguai pas son visage car il n’était que vêtu de : chemise noire, pantalon noir, chaussures noir. Très élégant pour un tueur.
En revanche, je remarquai très bien le poignard qu’il tenait : longue lame d’argent et manche toujours en cuir noir.
― Qui êtes-vous ? Et comment connaissez-vous mon prénom ? Articulais-je lentement, mes yeux lançant des éclairs.
Il me regarda dans les yeux et rit doucement.
― Tout cela n’a aucune importance, Estelle. Tu peux me croire. Mais revenons à notre affaire …
― Notre affaire ? Et qu’est-ce que je viens dans votre fameuse affaire ?
― Ce que tu viens y faire ? répéta-il, sarcastique. Mais tout ! C’est toi, l’affaire …
― Moi ? lançais-je, soudain énervé.
Je ne comprenais plus rien à ce qui se passait. Que me voulait cet homme ? Et qu’est-ce que cette « affaire » ? Et puis, qu’est-ce que je venais y faire ? Mais l’individu continua son discours, sans se démonter :
― Oui, toi. Tu as une très grande importance dans mon plan. Alors c’est pour ça que je dois te demander cela : viens avec moi, Estelle, rejoins-moi, continua-t-il d’une voix doucereuse.
Quoi ? C’est nouveau ça : un homme agresse mon amie, tue ses parents, et puis après il veut, sans que je sache qui il est réellement, que je le rejoigne, que je vienne avec lui je ne sais où ? Mais il était vraiment fou à lier !
― Et pourquoi ferais-je ça ? Lui demandai-je, soudainement en colère. En quel honneur ?
― Pourquoi, me dis-tu ? Tu le sauras si tu me rejoins et pas avant.
Il m’observa quelques secondes et ajouta, en regardant son poignard dont la lame étincelait sous la lumière de la chambre :
― Oh, et je pense avoir de quoi te faire changer d’avis si jamais tu venais à refuser ma proposition …
Je déglutis. Je compris tout de suite de quel moyen il comptait me faire chanter : soit, dans le meilleur des cas, il m’emmènerait de force avec lui, soit, dans le pire des cas, il me tuerait moi et Eline.
Je ne pouvais donc pas le laisser faire ça mais je ne pouvais pas non plus rejoindre cet homme que je ne connaissais que depuis quelques minutes. Mais ce que je ne comprenais pas, si j’avais deviné juste les deux propositions, et qu’il voulait vraiment m’emmener avec lui, il ne pourrait pas me tuer.
Lorsque mon regard se reposa sur son poignard, je compris soudain ce qu’il voudrait vraiment faire pour m’enlever. Il ne pouvait pas me tuer, non, puisqu’il avait besoin de moi, mais pouvait très bien tuer mon amie !
Malgré les risques que j’encourrais et même si je devrai me battre, je décidai de refuser. Je me retournai un instant vers Elie, qui, conciliante, me lança un regard d’encouragements et je déclarai, d’une voix ferme, que j’espérais ne pas être tremblante :
― Non, je ne viendrais pas avec vous. Je refuse donc votre « proposition » à vous « rejoindre », à m’allier avec vous.
Il releva et une lueur rieuse s’alluma dans ses yeux. Il lança d’un ton sarcastique, mais plutôt décontracté, en haussant les épaules dans un geste désinvolte :
― Bon, puisque que tu le prends comme ça … Mais tu ne pourras pas dire que je ne t’aurais pas prévenue. Alors, c’est parti !
Il s’approcha dangereusement de nous, mais avant même qu’il lance son poignard, je hurlai en mettant mes mains en bouclier devant nous pour protéger Eline de l’attaque car elle n’avait pas arrivé à se délivrer, je fermai les yeux, me préparant au pire :
― NOOOOOOOOONNNNNNNNNNN !
Je fermai les yeux, me préparant au pire. J’attendis longuement le coup de poignard qui m’aurait tué, mais rien ne vint.
Alors, tout doucement, j’ouvris les yeux. L’homme avait disparu ! La pièce était vide !
Tremblante de peur, je me levai en titubant. Prudente, j’avançai de quelques pas, m’attendant à le voir surgir d’un des coins sombres de la pièce. Je fis même plusieurs tours sur moi-même, mais je ne vis à rien, à part les débris de meubles qui composait l’ancienne chambre d’Eline, et mon amie. Puis, soudain, je me retournai vivement vers la porte entrouverte, de peur qu’il déboule du couloir.
― Ne t’inquiètes pas, tu l’as fait disparaître, dis soudainement Elie, me faisant sursauter. Il ne reviendra plus.
Devant mon air ahuri, elle continua :
― Délivre-moi et je t’explique tout.
Je m’exécutai et elle se massa les poignets. Elle paraissait soudain très sérieuse. J’eus l’impression d’avoir quelqu’un d’autre devant moi. Elle soupira et m’expliqua :
― J’aurais voulu te l’annoncer beaucoup plus tard, mais maintenant que tu as vu ça, il faudra bien le faire. Tu vois la lueur sur tes mains ?
Je hochai la tête, prudente.
Elie se concentra, choisissant ses mots avec attention.
― Crois-tu aux éléments surnaturels, Estelle ?
― Comment ça ? Que veux-tu dire par « éléments surnaturels » ?
Mon amie soupira. Elle était visiblement très mal à l’aise. Alors que moi, de mon côté, je ne comprenais pas pourquoi elle était dans son état. Et puis je commençais à m’impatienter : qu’était donc la lueur sur mes mains ? Une maladie ? Un virus ? Le reflet de la lumière ? Non, tout cela ne me paraissait pas possible. Elle m’observa longuement, cherchant la bonne manière pour aborder le sujet :
― Bon, écoute Estelle, je vais aborder le sujet d’une façon très … directe. Je ne peux pas passer par quatre chemins pour te l’expliquer. Pas pour ça. Déclara-t-elle en désignant mes mains, tu es absolument sûre que tu veux vraiment savoir ce que c’est vraiment ?
― Sûre et certaine. Je suis déterminé à savoir ce que c’est.
Eline prit une longue inspiration qui lui sembla très douloureuse :
― Voilà, je me lance : Estelle tu es … une sorcière.
― Quoi ? Une sorcière ? Comme dans les films et les romans de science-fiction ? lui demandais-je.
Puis une vague de colère m’envahit.
― Tu te fiches de moi, Eline ! m’écrirais-je, furibonde, en me levant d’un bond.
Elle secoua la tête désemparée. En fait, elle s’attendait à cette réaction. Elle se dit, une fois de plus, qu’il n’aurait pas fallu qu’elle me l’annonce si tôt. Elle se leva doucement et recula de quelques pas, me fixant toujours.
― Non, je ne me fiche pas de toi, Estelle. Tu sais très bien que je ne ferai jamais ça et surtout pas à toi. Répondit-elle, d’une voix posée.
― Alors, qu’est-ce que tu me racontes ! Cela n’existe pas, une sorcière !
― C’est là que tu te trompes, Estelle. Les sorcières existent vraiment et tu en aies une preuve vivante. Tiens, regarde ce papier si tu ne me crois pas. Riposta-t-elle en me tendant plusieurs feuilles de papier rose à l’aspect vieillie.
Elle ne s’approcha pas, de peur que je l’attaque. J’étais toujours furibonde et je comprenais sa réaction, car je devais sûrement lui faire peur. Elle ne m’avait jamais vu aussi en colère. Je m’approchai d’elle et saisis les documents. Je les lus attentivement et observa aussi tous les graphiques et schémas : un, retiens particulièrement mon attention. Un dessin d’un corps était dessiné et des vaisseaux bleus et verts le parcouraient. Eline, qui s’était approchée entretemps, remarqua mon étonnement. Elle m’expliqua le schéma :
― Tu vois les lignes bleues ?
Je hochai la tête, observant toujours le dessin.
― Elles représentent ton énergie qui circule dans ton corps. Cette énergie s’arrête à plusieurs « points », qui sont appelés Cardinaux car ils sont très importants : c’est là où ta magie se recharge. Parmi ces Cardinaux, un est le plus importants de tous : celui du cœur. Tu as des Cardinaux qui passent dans tous le corps. Les autres sont secondaires, tu ne risques pas de mourir si tu te fais toucher à cet endroit. Mais prenons juste un exemple : un jour, tu te casse la jambe. Hé bien tu risque de te plus pouvoir utilisé une partie de ta magie.
― Quoi ? l’interrompis-je. Tu es en train de me dire que, même en me blessant aussi simplement avec une fracture, je ne pourrais plus utilisé une partie de ma magie ?! Comment ça ? Je ne comprends pas.
― Oui, car, comme je te l’ai expliquée, on a ces « points » dans tout le corps et ce, à différents endroits. Il y en a dans les jambes, les bras, sur le thorax, le cœur, dans le dos … Enfin bref, partout.
― D’accord, donc vaut mieux ne pas se faire toucher à ces endroits …
― Bah … Si, on peut. Tant que ce ne sont que les secondaires et pas celui du cœur.
Je soupirai d’exaspération. Ma vie allait devenir beaucoup plus compliquée maintenant que j’étais sorcière !
― O.K., répondis-je essayant d’assimiler ces données. Et à quoi servent les lignes vertes ?
― Elles suivent le même trajet que celles des Cardinaux. En fait, ces deux vaisseaux sont dans tes vaisseaux sanguins ; ils suivent le même trajet que ton sang. Donc, le vaisseau vert représente ta jauge de magie.
― Ouh là ! la coupais-je, je n’y comprends plus rien !
Mon amie sourit doucement.
― Je vais essayer de t’expliquer tout ça plus simplement. En fait, les deux sortes de lignes, donc la verte et la bleue, se trouvent dans ton sang. Appelons ton sang un « canal ». Hé bien, ce canal est formé grâce à ta jauge d’énergie et ta jauge de magie. Tu comprends un peu mieux ?
― Oui, répondis en hochant la tête.
― Maintenant, il reste une dernière chose à t’expliquer, et pas la moindre : l’effet d’une « prise de magie ».
Alors qu’elle s’apprêtait à reprendre la parole, je l’interrompis :
― Attends, attends ! Qu’est-ce que c’est une … Une prise de magie, c’est ça ?
― Oui, c’est ça. Répondit-elle en hochant la tête doucement. Mais ne t’inquiètes pas, je vais t’expliquer ce que c’est. En fait, une prise de magie, c’est comme son nom l’indique, est un des moyens de te voler ta magie.
― Quoi ? m’écriais-je, horrifiée. On peut me voler ma magie ? Mais comment est-ce possible ?
Elle soupira en secouant la tête. Elle baissa les yeux et souffla :
― C’est possible comme tous les autres vols de n’importe quel objet. Sauf qu’un vol de magie conduit souvent à la mort de la victime.
Je hoquetai, sous le choc. Je reculai, les yeux arrondis par la peur. Mais que me racontait mon amie ? Était-ce vraiment possible que l’on puisse voler la magie de personne, sachant qu’elle se trouvait dans son sang ? Non, non ! Ce ne pouvait être possible !
Voyant mon air apeuré, Eline hocha doucement la tête en se mordant les lèvres :
― Je sais ce que tu dis : ce n’est pas possible ! Et pourtant, si c’est possible …
Des larmes vinrent inonder ses beaux yeux bleus. Je me précipitai vers elle, me demandant ce qui l’attristait.
― Eline ! Murmurais-je d’une voix douce, pourquoi pleures-tu ?
Mais elle secoua la tête en fermant les yeux, comme si elle voulait chasser ce mauvais sentiment qui l’habitait en ce moment.
Une fois calmée, mon amie releva la tête, souriant calmement :
― Ce n’est rien … Juste un mauvais souvenir que je préfère oublier.
Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas pourquoi Eline ne voulait pas me le dire. Mais, même si je ne voyais pas pourquoi elle faisait ça, je ne lui en voulus pas. Après tout, se débarrasser de ses vieux démons était dur, douloureux, et on n’avait pas toujours envie de les partager … Ce que je comprenais tout à fait.
Elle inspira à fond et reprit :
― Donc, pour voler la magie d’une personne, il ne faut pas grand chose … Juste assez d’expérience pour connaître le sort et avoir la force de le maîtriser …
― De la force ? Comment ça ? répétais-je, intriguée. Que veux-tu dire par là ?
― Comme tu le sais, il faut un certain quota de magie pour pouvoir lancer un sort ; par exemple, si celui-ci est basique, il ne t’en faudra pas beaucoup, mais s’il est d’un niveau plus avancé, il te faudra plus de magie, c’est logique. Enfin, tout ça viendra avec le temps. Maintenant que je t’ai expliquée le plus gros de la manœuvre, il faudrait peut-être qu’on songe à partir, tu ne penses pas ?
Je hochai doucement la tête, comprenant doucement le sens que ma vie avait prit. Je sortis doucement de la torpeur qui m’entourée. Ok, je suis une sorcière. Mais Elie avait raison. Avoir des pouvoirs magiques pouvait me servir. Enormément.
Puis je repensai à ses parents. Ils avaient été tués devant ses yeux. Non, mes pouvoirs n’allait pas que me servir moi mais aussi à elle.
― Oh, Elie, je suis désolé pour tes parents.
Sa mine changea. Au lieu de celle sereine et consolatrice qu’elle avait adoptée il y a quelques minutes maintenant son expression n’exprimait que de la tristesse et de la douleur. Je crus qu’elle allait se remettre à pleurer et me préparai à la consoler comme elle l’avait fait pour moi.
― Je les ai vus mourir devant moi, c’était vraiment affreux. Quand tu m’as appelée tout à l’heure, ce n’était pas moi qui t’ai répondue mais l’homme qui s’était métamorphosé en moi.
Je comprenais maintenant son ton froid lorsque qu’elle m’avait répondu.
― Oui Peux-tu tout me raconter en détails, Elie ?
― , si tu veux. Quand l’homme est arrivé, nous étions tous les trois dans le salon. Dès que mon père l’a repéré, ils se sont attaqués. En trois coups de poignards, mon père était… mort. Pareil pour ma mère.
Leur tueur ne leur avait laissé aucune chance.
― Puis, il m’a ligotée et m’a montée dans ma chambre. Et puis, il m’a exposé un plan pas très explicite, si tu veux mon avis. En fait je n’en ai pas compris un seul mot. Ah, et il m’a aussi expliqué, ça je l’ai très compris, qu’il serait ton ennemi à vie. Mais, je ne sais vraiment pas pourquoi il m’a dit tout cela sachant que c’était toi qui était visé et pas moi. Logiquement, un méchant explique son plan à son ennemie, non ?
― Normalement, oui. Mais cet homme ne semble pas très lucide et pas bien dans son corps, si tu veux mon avis Encore une question : t’a-t-il révéler son nom ?
Mon amie hocha la tête.
― Il se prénomme Décolrion. Oh, et il a aussi précisé que, lorsque qu’il voudra quelque chose de toi et que tu ne voudrais pas lui donner, il n’hésitera pas à torturé ta famille, tes amis ou surtout toi. Et alors, je nageai dans un rêve sans limite … Je ne comprends pas ce qu’il te veut et pourquoi il m’a avertit de tout ça …
― Je ne comprends pas, moi non plus. Mais s’il t’a dit tout ça, c’est qu’il y a un but, une raison.
J’inspirais profondément. Super, je venais de me faire un ennemi ! Youpii ! Mais un détail me fit tiquer.
― Que voulait-il dire lorsque qu’il voudrait quelque chose de moi ?
― Je ne sais pas, il n’a pas précisé quoi mais il a bien insistait sur le faite que c’était très puissant.
― Hum, d’accord.
Puis, regardant ma montre, je remarquais l’heure.
― Nous ferions peut être mieux de partir d’ici …
― Je veux bien mais je ne peux plus rester ! Et puis, je ne peux pas, je ne dois pas abandonner mes parents dans cet état !
― Je sais, mais j’ai les solutions. Pour toi, demain, tu n’auras qu’à nous suivre discrètement et te cacher. Et pour tes parents, … euh …
Je me rendis compte que je n’avais de solution pour eux.
― Hum, Estelle, je sais qu’il est tard mais, si je pars demain, je ne pourrais plus les enterrer, donc s’il te plaît, j’aimerais le faire avant demain.
Je la comprenais toute à fait. Perdre un parent était déjà terrible, surtout sur Dorémi, mais les perdre tout les deux était presque insupportable. Je soupirais. Nous n’aurions pas le temps de les enterrés selon la tradition. Du coup, c’était impossible.
Je ne voulais pas la blesser mais c’était comme ça.
― Elie, nous ne pouvons pas. Et nous sommes en danger ici. Délcorion peut revenir et pourrait bien nous tuer comme il l’a fait avec tes parents.
Elie se remit à pleurer. Puis finit par répondre :
― D’accord, nous partons. Laisse-moi juste leur dire adieu.
Je hochais la tête affirmativement. Après tout, ce n’est pas parce que nous étions en danger, qu’elle ne pouvait pas leur faire ses adieux. Nous redescendîmes et pendant quelques minutes elle leur fit ses adieux mêlant leur sang et ses larmes.
― Rentrons au palais, je dirais à mon père que tu y dors. D’accord ?
Elle hochait la tête, les yeux encore emplis de larmes et le nez rouge à force d’avoir pleuré.
Nous rentrions rapidement, installâmes un second lit, nous lavions et nous brossions les dents. Tout cela fait, Eline et moi, mîmes nos pyjamas et nous nous glissions sous les couettes. Une fois tout ceci fait, nous commençâmes à élaborer un plan.
― Estelle, tu sais, pour demain, ne t’occupes de rien. Je sais où vis ton fameux oncle et je sais surtout comment y aller rapidement.
― Oh, tu sais où il habite ? Et comment y aller plus rapidement qu’avec une limousine ?
― Oui, grâce à … à mon pèr …
Sa voix se cassa sur la fin. Repenser à son père lui était douloureux et sa mort était encore toute fraîche. Elle inspira profondément et se reprit.
― Oui, mon père s’était renseigné sur ta famille. Ton « oncle » habite sur Terre.
― Sur … sur Terre ? Qu’es-ce que c’est que ce truc ?
― Ce truc, comme tu dis, est une planète, très grande et assez puissante. En fait, elle se trouve juste en dessous de Dorémi. C’est aussi de cet endroit que je viens.
― Tu … tu n’est pas originaire de Dorémi ? lui demandais-je réellement surprise.
― Non, c’est vrai. Quand toute ma famille et moi avons débarqué ici, c’était plutôt une question de vie ou de mort. Mes parents devaient retrouver rapidement un travail et ils ont vu les demandes d’embauches de tes parents au palais. Ils ont sauté sur l’occasion et ont falsifié nos papiers.
― Oh, … Vous êtes, euh étiez émigrés alors. Et vous étiez en danger de mort ?
― Hum, oui. En fait, Délcorion me suivait déjà sur Terre. Et mes parents y ont vu un danger.
― Waouh ! Au point de changer de planète ! Ca ne rigole pas avec eux !
― Hé oui ! Donc, pour demain, ne t’occupes pas de moi, je saurais me débrouiller.
― D’accord.
Je bâillais.
― Ouf, quelle journée ! Que dirais-tu si nous nous endormions maintenant.
Elle bâilla à son tour.
― J’en dirais que oui. Je suis éreintée ! Bonne nuit, alors !
― Bonne nuit !
J’éteignis la lumière et, dès que je posai la tête sur mon oreiller, je m’endormis.